Once, Twice, Again and Again, Whatever ... [Caïn - Eden]

Once, Twice, Again and Again, Whatever ... Caïn/Eden - Le 13 Mars 2050

La brume tombait lourdement sur Londres, comme une chape de plomb qui étreignant tout. Les quelques passants qui subsistaient dehors à cette heure tardive se hâtaient de rejoindre leur maison ou alors lambinaient distraitement au pied d’un lampadaire grésillant, au fond d’une ruelle puant la pisse et la mort.

Le silence de l’aurore qui approchait remplaçait le grouillement obscène des rats qui traversaient la deux fois deux voies, dérangés parfois par le passage d’une camionnette rouillée ou d’une moto en excès de vitesse manifeste.

Les camés se piquaient sous les porches, dans l’ombre, tirant sur leur garrot souillé d’un coup de dent ferme en le maintenant, tremblant, à la force de leur mâchoire. Le goutte à goutte incessant qui s’échappait des seringues résonnait presque autant que le claquement d’une canne sur le pavé.

Instinctivement, même les chats au poil râpé et les cafards grouillant entre les détritus et la crasse s’effaçaient pour laisser passer la silhouette massive d’un homme enroulé dans un manteau sombre. Un grand chapeau masquait son visage, mais les quelques junkies qui trainaient par là se dissimulaient rapidement derrière la porte branlante d’une usine désaffectée ou d’un bar glauque.

Il ne s’en formalisait pas. Il pensait qu’à force, la faune de la nuit se serait habitué à sa présence, mais il fallait croire que sa réputation le précédait. Il ne cherchait pas forcément une descente lorsqu’il se promenait ainsi à cette heure. Même si sa place dans la milice faisait de lui un homme dangereux, il avait réussi à creuser son trou parmi les truands des bas-fonds.

Même si c’était ce pourquoi son patron le payait, il ne s’intéressait que très peu à la capture des prostitués. S’ils mettaient tant d’ardeur à trouver les dernières maisons closes qui existaient, c’était principalement pour recruter.

Jusqu’à présent, il avait réussi à faire chanter une dizaine de clients d'une boite de cul dans Slutgarden pour qu’ils participent à son business, la PC Corp. La faute à une gourde qui travaillait avec lui à la Pride Sky… Il lui avait suffit d’écouter tranquillement une conversation qu’elle avait eu avec leur patron au sujet d’une enquête dont elle se servait pour retrouver sa sœur disparu.

Il avait mis la main sur le dossier de l’établissement qu’elle soupçonnait et il s’était glissé comme un serpent dans la fosse aux lions. Habilement, il avait acquis la confiance du patron et moyennement un pot de vin conséquent, il avait eu le droit de trainer dans le bordel pour mettre la main sur des clients.

Cette combine marchait très bien. Ce n’était pas le premier gérant qui acceptait son argent et le laissait débaucher ses clients pour les entrainer dans ses chaines. Le profil type du client qui n’hésitait pas à enfreindre la loi pour se taper une pute ou deux, était un homme d’une trentaine d’année et riche. Car il ne fallait pas oublier qu’une passe à un prix. Et tout le monde ne pouvait pas se l’offrir à l’heure actuelle.

Des hommes accro au sexe, incapable de se satisfaire par leur propre moyen, parfois camé ou pire. Ils étaient prêt à tout … Et quoi de mieux que de leur proposer de gagner un bon gros paquet de fric en investissant une somme coquette dans un engrenage mathématique qui leur assurait de doubler la somme en peu de temps ?

Bien sur, il subsistait des clients qui refusaient, trop proche de leur argent, où pas suffisamment téméraire pour plonger à deux pieds dans l’illégalité. Dans ces cas, il n’hésitait pas à les faire chanter, montrant son badge de milicien, ce qui lui assurait leur participation et de bon cœur !

Dans le milieu, on l’appelait Mister C. et personne ne s’était encore opposé à lui. Son business était infaillible, il s’assurait du silence des clients avec son chantage, de la protection dans les bordels en corrompant les gérants et de l’indifférence totale de la milice qui le craignait pour la violence et l’agressivité dont il pouvait faire preuve lorsqu’on le contrariait.

Il échappa un rictus glacial et s’arrêta devant une borne jaunâtre. Il ouvrit son manteau et glissa un main gantée de cuir dans la poche révolver, repoussa son arme personnelle, ses faux papiers, et attrapa une enveloppe de papier kraft.

Tranquillement, il sortit un timbre, passa une langue reptilienne pour l’humidifier et le colla précautionneusement en haut à droite. Il lança un regard attendri presque langoureux au nom et à l’adresse avant de glisser l’enveloppe dans la fente de la borne postale.

Il resta une minute ou deux à contempler le soleil qui se levait derrière les immeubles du quartier d’affaire et plissa les yeux derrière son chapeau. Il n’aimait pas le soleil, ça lui rappelait des moments heureux qu’il ne préférait pas reporter à son souvenir.

Il fit demi tour et retourna en direction de la fameuse boite de cul. Peut être qu’après le départ des clients, il pourrait trouver des informations auprès des prostitués ou de Jeremy, le gérant, sur les autres maisons closes de la ville, notamment celles qui se dissimulaient au coeur de Long Hard Road Out of Hell. Il sentait depuis plusieurs mois qu’un autre bordel devait être ouvert à l’autre bout du quartier et drainait beaucoup de monde. Il fallait qu’il sache où il se trouvait exactement …

En balançant légèrement des hanches, il arpentait le trottoir crasseux. La tête baissée, il comptait les pavés, vieux réflexe bizarre qu‘il avait pour pouvoir se déplacer sans regarder devant lui. En arrivant à un croisement, il percuta un homme qui heurta son épaule.

Son premier réflexe fut de dégainer son Glock et de le planter dans la gorge du passant. Mais la voix de Gabriel résonna à son oreille, lui chuchotant de ne pas se montrer violent. Et il eut bien fait de l’écouter puisque l’inconnu révéla son visage dans la nuit qui se dissipait.

« Qu’Est-ce que tu fous là ? » grogna-t-il en lançant un regard menaçant à celui qui venait de le bousculer.

Il détestait ça, Les premières lueurs de l’aube…Cela signifiait qu’il devait revenir à sa vie normale, quitter les bras accueillant du bordel qu’il fréquentait.

Sortir dans les rues à cette heure-ci n’était pas vraiment engageant, mais Eden adorait ça, c’était malsain et dérangeant…Aussi se mouvait-il avec assurance évitant les ordures diverse et variées à la manière d’une ballerine effectuant ses pas de danse entre chaque figure. Il leva soudain les yeux et se prit à s’arrêter et à regarder le monde qui l’entourait en silence. Quelques junkies…Lui-même n’était pas très frais de ce côté là…Un vieux chat sans doute malade, des tags partout, une odeur pestilentielle…

Ce cadre n’avait rien d’idyllique pourtant Eden était simplement heureux, il sortait tout juste du paradis à ses yeux, et jouissait encore du plaisir que lui avait procuré cette soirée. Il se sentait simplement vivant en cet instant et aucun chat malade, aucun toxico, aucune insanité ne pourrait le sortir de ce doux rêve pour le moment. Il sentait encore la peau de son amant de la soirée sous ses doigt, et la morsure de ses dents qui avait laissé bon nombre de traces sur tout son corps, dont sur son cou où un splendide suçon dépassait du col de sa chemise. Eden ferma un instant les yeux et les rouvrit soudainement lorsqu’il sentit une main s’approcher de sa poche. Il se saisit de la dite main et longea le bras auquel elle était reliée du regard avant de croisé celui de leur propriétaire : il était dans un sale état, ses vêtement étaient sales, déchirés par endroit, l’homme en lui-même était d’une saleté repoussante et puait l’alcool à 20 mètres à la ronde. Eden le détailla longuement d’une expression neutre tandis que l’homme essayait de se dégager la main.

Eden prit son portefeuille qui se trouvait sagement dans la poche que le mendiant convoitait et le porta à hauteur des yeux de l’homme. Il l’ouvrit et en sortit un billet de 100, puis deux et enfin trois et les tendit naturellement à l’homme en souriant en coin. Le mendiant regarda les billets comme s’il n’avait jamais rien vu de tel et il sursauta lorsqu’Eden lui lâcha lentement le bras. Il s’empara des billets et partit en courant, laissant Eden seul dans la ruelle. Ce dernier sourit un peu plus. Il avait aidé un camé à acheter sa dose pour plusieurs semaines mais peu lui importait, en fait un billet de plus ou de moins lui était égal, et il avait vu ce regard un peu fou dans les yeux de l’homme, il avait été obligé de partager cette folie, il était bien placé pour savoir ce que créait le sentiment de manque, même si ce n’était pas exactement le même genre d’envie…Même s’il ne crachait pas sur la drogue…D’ailleurs il en avait une certaine dose dans le sang…Quelle drogue c’était ? Combien en avait il prit ? Il n’en avait aucune idée. Mais bon quelle importance ? S’il avait dû en mourir ça serait déjà fait…Non ?

Il haussa les épaules et continua sa route. Il venait juste de quitter une ruelle et s’apprêtait à en emprunter une autre en perpendiculaire lorsqu’il heurta quelque chose qu’il n’avait absolument pas remarqué. Cette chose s’avéra apparemment être un humain, du moins un humanoïde, Eden ne le distinguait pas vraiment en fait puisqu’il avait fermé les yeux, sentant avec un plaisir non dissimulé le Glock de l’autre homme contre sa carotide. Il frissonna légèrement, il sentait son sang pulser contre le canon encore glacé de l’arme. Il ouvrit lentement les yeux, ronronnant presque, et reconnut son agresseur. Il s’agissait de ce très cher Monsieur C. comme il se plaisait à l’appeler bien qu’il sache qu’en réalité l’intéressé préférait « mister » ça lui donnait sans doute plus de cachet…

« Qu’Est-ce que tu fous là ? »

Grogna-t-il, comme s’il s’était adressé à un chien particulièrement encombrant ce qui fit frissonner Eden de Délice. Il observa longuement Caïn de haut en bas, réfléchissant longuement à sa future réponse. Il aurait sans doute du mal à prendre son ton glacial excité comme il l’était. Aussi posa-t-il un doigt sur le revolver toujours braqué sur son cou et l’écarta lentement de ce dernier. Il sourit, franchement amusé.

« Au cas où cela te serait sorti de l’esprit, les rue, même aussi petites et mal famées que celles-ci appartiennent à tout le monde, je suis donc là parce que je le souhaite, et j’y fais ce que je veux. Ensuite, la règle de politesse indique qu’il faut saluer sa victime avant de la menacer d’une arme aussi belle et excitante fusse-t-elle. Donc…Bonjour »

Il sourit de toutes ses dents et observa Caïn, la tête légèrement penchée sur le côté, les yeux encore dilatés par la drogue, puis il partit dans un doux rire cristallin.

Caïn fixa l'homme gracile contre lequel il braquait son Glock et l'entendit baragouiner des paroles aléatoires.

« Au cas où cela te serait sorti de l’esprit, les rue, même aussi petites et mal famées que celles-ci appartiennent à tout le monde, je suis donc là parce que je le souhaite, et j’y fais ce que je veux. Ensuite, la règle de politesse indique qu’il faut saluer sa victime avant de la menacer d’une arme aussi belle et excitante fusse-t-elle. Donc…Bonjour »

Il reconnut alors Eden Wallker, une ... connaissance. Caïn ne put s'empêcher de rire l'homme dans son rire étranglé. Il était toujours amusant de constater qu'Eden se montrait très grandiloquant quand il était défoncé. Ce qui était manifestement le cas.

Lentement, il rangea le Glock dans son holster, même s'il gardait son couteau fermement serré dans sa poche. On était jamais trop prudent avec les camés, avait-il déjà conclut en trainant dans la rue tard le soir ... Ou tôt le matin, c'était selon.

"Salut Eden, répondit Mister C dans un grognement rauque, se gaussant encore de la figure illuminée et de l'équilibre précaire de l'homme qui chancelait devant lui. Je vois que tu as l'air en forme ... Tu as passé une bonne soirée je présume, si je me fie à cette petite -Dieu quel euphémisme- cette gigantesque marque violacée sur ton coup. Et je t'assure que ce n'est point le canon de mon Glock, t'en déplaise ..."

Tranquillement, Mister C fit volte face et dégaina à nouveau son arme. Un bruit de pas et le bruissement d'un vieux tissu l'avait fait tiquer, et il braqua son canon sur une espèce de raclure qui se jeta à ses pieds en implorant sa clémence.

"Qu'est ce que tu veux, vers de terre ? demanda-t-il en crachant par terre de dégout. Enlève tes sales pattes de mon manteau si tu ne veux pas que je t'en colle une entre les deux yeux."

"Salut Eden, je vois que tu as l'air en forme ... Tu as passé une bonne soirée je présume, si je me fie à cette petite -Dieu quel euphémisme- cette gigantesque marque violacée sur ton coup. Et je t'assure que ce n'est point le canon de mon Glock, t'en déplaise ..."

A ces mots Eden partit dans un fou rire incontrôlable. Il fut enfin calmé, au bout de quelques minutes.

« Je suis dans une forme resplendissante si ça t’intéresse vraiment…Mon cou ? Oh disons que j’ai joué un peu…Pas trop…Ton Glock lui il me plait beaucoup…Tu t’en sers souvent ? Il est magnifique… »

Fini-t-il par répondre, en agitant doucement les hanches.

« Un homme avec une arme c’est si… »

Il étouffa la fin de sa phrase et sourit. Il avait senti un frisson lui parcourir l’échine, décidemment il se plaisait vraiment ici…Caïn se tourna brusquement à la grande surprise d’Eden qui sursauta légèrement. Il trouvait l’homme si prudent que ça en devenait….Horriblement stressant…Oh il avait bien sûr adoré le coup du Glock, mais il était Eden, et qui plus est un Eden pas dans son état normal donc ça pouvait se comprendre en fait. Mais là…Un pauvre mendiant en plus…

"Qu'est-ce que tu veux, vers de terre ? Enlève tes sales pattes de mon manteau si tu ne veux pas que je t'en colle une entre les deux yeux."

Eden passa la tête au-dessus de l’épaule de Caïn pour voir ce qui se passait, il en profita pour déposer un très léger baiser dans le cou de ce dernier et fit le tour pour se retrouver à côté de l’homme à terre. Il l'observa longuement les sourcils légèrement froncés.

« Il ne te veux aucun mal, il ne faisait que passer…Laisse le partir… »

Lança-t-il à Caïn.

« Il faudrait que tu arrêtes d’agresser les gens de cette façon tu sais ? Imagine ce qui se serais passé si tu avais tiré tout à l’heure ? Je serais en train de me vider de mon sang dans la rue ce qui ne serait vraiment pas propre. »

Il aide le mendiant à se relever et l’observe partir avec un grand sourire presque victorieux. Puis il se tourna vers son vis-à-vis. Il rit doucement.

« Tu vois ? Il ne voulait rien faire de mal… »

Mister C ne cillait pas, le canon de son arme toujours braqué entre les deux yeux de l'homme en guenilles qui rampait à ses pieds. Il voulait probablement de l'argent, il n'aurait rien ... L'argent se méritait, Comme toute chose d'ailleurs ...

« Il ne te veux aucun mal, il ne faisait que passer…Laisse le partir… »

Caïn serra la dent alors que les lèvres humides d'Eden se posait sur sa nuque. Un frisson de haine grandissait en lui alors que ses mâchoires se crispaient. Il ne se tournait pas, pas encore. La voix fluette d'Eden résonnait encore à ses oreilles, clinquante, horripilante même à cet instant.

« Il faudrait que tu arrête d’agresser les gens de cette façon tu sais ? Imagine ce qui se serais passé si tu avais tiré tout à l’heure ? Je serais en train de me vider de mon sang dans la rue ce qui ne serait vraiment pas propre. »

Son cou irradiait d'une sorte de brûlure corrosive. A ce moment, il ne voyait plus l'homme à ces pieds qui tentait de s'enfuir furtivement. Il ne sentait que son sang pulser dans ses artères, son pouls frapper contre ses tempes. Ses poings fermés blanchissaient aux jointures. La marque du couteau dans sa poche se découpait dans sa paume à mesure qu'il le compressait.

Devant lui, Eden s'accroupissait pour aider le camé à se relever. Caïn ne disait rien. Il inspirait et expirait le plus lentement possible, contenant au creux de son ventre la tension qui le saisissait à la gorge. Son ventre se gonflait en rythme avec le haussement paisible de ses épaules. Extérieurement, rien à part de petits détails discrets ne laissait présager ce que Mister C pouvait ressentir.

Alors que le junky s'enfuyait devant ses yeux froids, Caïn rengaina son Glock avec une lenteur presque lascive. Il effleura à peine son manteau et alors que le rire éraillée et les accents aigus de la voix d'Eden perçaient à nouveau ses tympans, insupportable, pire que le grincement des ongles contre un tableau noir.

« Tu vois ? Il ne voulait rien faire de mal… »

Soudainement, alors qu'Eden regardait partir le camé au loin avec une sorte de nostalgie mélancolique, Caïn fit vole face, sortant la lame de son cran d'arrêt. Immédiatement, il attrapa le bras du brun, le bloqua derrière son dos en une clef puissante avant de glisser sa lame contre sa jugulaire saillante.

"NE-REFAIS-JAMAIS-CA, articula-t-il entre ses deux, pressant la pointe du couteau dans la chair pâle qui rougissait sous l'acier".

Eden regardait le toxico s'en aller, il avait toujours été impressionné par leur ingratitude. Il venait sans doute de lui sauver la vie tout de même...Il perçut un mouvement du coté de Caïn.

Il n'eut cependant pas le temps de bouger lui-même que l'homme lui avait fait une clé de bras et lui maintenait un cran d'arrêt sous la gorge. Un grand sourire s'étala sur ses lèvres alors qu'il sentait ses articulation craquer.

"NE-REFAIS-JAMAIS-CA"

Parvint à peine à articuler Caïn en appuyant la lame contre la trachée d'Eden. Ce dernier se mit à rire, un rire incontrôlable, aussi nerveux qu'il était réellement amusé. Il déglutit instinctivement et sentit sa peau s'ouvrir. Un léger filet de sang se mit lentement à couler. La blessure était vraiment trop superficielle pour lui faire le moindre mal.

"Tu comptes me tuer ou me provoquer un orgasme foudroyant...?"

Murmura-t-il simplement en posant son doigt sur le sang qui s'échappait lentement de sa nouvelle plaie. Il porta ce même doigt à ses lèvres.

"Pourquoi arrêterais-je alors que c'est tellement jouissif ? Voir ta réaction après un simple baiser me comble. Tu ne pourrais pas d'ailleurs lever un peu plus mon bras ? Je ne sens rien du tout."

Il se remit à rire et pencha légèrement la tête sur le côté, la lame approfondissant légèrement l'entaille.

"En tout cas réfléchit bien, soit sur de ton coup, ne laisse aucune trace, aucune preuve, ne laisse encore moins mon corps."

Il ondula légèrement les reins, frôlant très brièvement le bassin de Caïn par moment.

"La disparition de quelqu'un passe rarement inaperçue...Notamment la mienne...Surtout la mienne...Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je suis quelqu'un qu'on remarque."

Il sourit de toutes ses dents.

"Et si je peux te demander une faveur ça serait de prendre ton temps. Je n'ai pas envie de quitter trop vite cette Terre. Et si je peux mourir en prenant mon pied n'est-ce pas mieux encore ?"

Il ne put s'empêcher de rire à nouveau, il sentait des picotement au bout de ses doigts, surtout ceux de la main droite. Les effets de la drogue se dissipaient lentement mais surement.

Si Eden n'avait pas peur d'une chose s'était bien de la mort. Il était peut être fou, même si lui-même se trouvait plutôt sain d'esprit par rapport à d'autres, il n'en était pas moins réaliste, il savait bien sûr qu'il jouait a des jeux dangereux, parfois bien trop, alors naturellement il risquait d'y rester d'une manière ou d'une autre. Aussi Caïn ne l'effrayait nullement, bien qu'il eut tout de même préférer mourir ailleurs que dans cette ignoble ruelle, de la main de quelqu'un d'autre.

"Et puis tu as pensé à ton entreprise ? Imagine la somme considérable que tu perdrais. Tu risques d'avoir du mal à trouver quelqu'un d'aussi riche que moi qui accepte de jouer dans tes combines louches..."

Ça c'était un argument de choix qui avait un peu de valeur non ? Une partie d'Eden le souhaitait car, bien que la mort ne l'effraye pas en soi, il n'avait pas spécialement d'envie suicidaire, alors s'il pouvait s'en sortir pour le coup ça ne serait pas plus mal...

Caïn tremblait de rage, se retenant d'enfoncer la lame davantage dans la gorge palpitante de ce crétin d'Eden. Il l'entendait rire, ses éclats de voix suraigus perçant ses tympans alors qu'il s'étouffait à moitié avec sa langue.

Avec l'habitude, Caïn parvenait à distinguer les signes de descente, et Eden était tellement expansif quand il était défoncé qu'il était enfantin de se rendre compte que les effets de la drogue s'estompaient. C'en était tellement évident que ça en devenait pathétique.

Il devait commencer à ressentir de légers picotements dans les extrémités, les palpitations de son coeur devaient se calmer, ses respirations s'étendaient et ses pupilles se rétractaient. Derrière le rire dérangeant et irritant, Caïn voyait apparaitre l'angoisse de sortie de cette transe, l'incommensurable douleur du retour à la dur et fade réalité ...

Il n'écoutait même pas ce qu'il disait. C'était les délires d'un camé masochiste et ça le navrait plus que ça ne l'énervait. Étrangement, la grandiloquence du personnage et ses yeux brillant de la délicieuse souffrance qu'il savourait du bout de la langue l'amusait.

Eden était surement un dangereux psychotique bon à enfermer, mais lui seul parvenait à le distraire, comme ça, dans une ruelle puante dont la crasse collait aux semelles, alors qu'il le menaçait d'une lame acérée.

Juste pour son plaisir et sans doute un peu pour lui aussi, Caïn enfonça lentement la lame, coupant la chair avec une sorte de tendresse sournoise. Lorsque l'entaille fut assez profonde à son gout, arrachant un gémissement lascif à Eden, Mister C retira sa lame d'un mouvement souple du poignet avant de relâcher son bras.

"D'où tu sortais pour afficher un sourire aussi béa hun ? Et qu'est ce que t'as pris pour être dans cet état ? demanda-t-il en passant un mouchoir en soie blanc pour essuyer les gouttes de sang qui perlaient de son couteau."

Eden sentait son propre sang couler le long de sa gorge tandis que la lame de Caïn s’enfonçait un peu plus dans sa chaire sous la pression de la main de ce dernier. Il ne put empêcher un long gémissement de plaisir s’échapper de ses lèvres entrouvertes.

Il eut une plainte de déception lorsqu’il sentit la lame quitter sa gorge et la force exercée sur son bras meurtrit diminuer puis totalement cesser alors que Caïn le lâchait. Il laissa pendre son bras le temps que le sang l’irrigue à nouveau complètement. Il le leva, portant sa main à hauteur de son visage. Il l’observa longuement, la tournant dans tous les sens possible. Il semblait redécouvrir son membre alors qu’il sentait son plaisir diminuer tandis que les effets de la drogue se dissipaient, si bien que son sourire glissa lentement sur son visage et il laissait retomber sa main en même temps le long de son corps.

Il se tourna avec lenteur vers Caïn qui venait de reprendre la parole comme si de rien était, ici cela sous-entend « comme s’il n’avait pas menacé avec un couteau quelques minutes plus tôt » Il passa une main le long de sa coupure en écoutant Caïn, la tête légèrement penchée sur le côté, alors que ce dernier nettoyait sa lame.

"D'où tu sortais pour afficher un sourire aussi béa hun ? Et qu'est-ce que t'as pris pour être dans cet état ? »

Il le regarda longuement d’un air morne et las puis tourne les yeux d’un côté et de l’autre de la ruelle.

« Où tu vois un sourire béa toi… ? Ce que j’ai pris ? Je ne sais pas mais si tu en as encore j’en veux bien…Je sortais de nulle part, pourquoi ? »

Il soupira longuement d’un air mélancolique. Non, non, non ça n’allait plus du tout, il voulait juste retrouver son lit, Caïn ne l’amusait plus du tout…Cet homme l’avait-il déjà réellement amusé en fin de compte ? Il était chiant comme la pluie ! Pire encore pour Eden ! Du moins quand il était dans cet état de « presque-manque » il détestait tout le monde en fait. Ça n’avait donc probablement rien à voir avec Caïn, même s’il avait quand même faillit le tuer, Eden décida qu’il garderait cette expérience comme un bon souvenir à réitérer si l’envie lui en prenait. Il était d’ailleurs en train de se demander ce qui se passerait s’il embrassait Caïn à d’autres endroits, en se mettant à faire les cent pas autour de lui.

Il s’arrêta et fixa Caïn d’un air surpris. Comme s’il se souvenait soudainement de sa présence.

« Mais au fait…Tu ne trouves pas ça normal que je me ballade à une heure pareille ici mais…Et toi qu’est-ce que tu fous là ? »

Il fronça les sourcils, non, non il n’y avait absolument pas pensé plus tôt mais bon, mieux vaut tard que jamais non ?

Ca y est, conclut Caïn en constatant, presque tristement, que le trip d'Eden prenait définitivement fin. Il avait beau paraitre blasé et absolument inattentif à tout ce qui ne le concernait pas directement, il avait déjà remarqué combien Eden semblait souffrir quand les effets de sa came le laissait seul dans sa vie solitaire et pleine de responsabilités.

Caïn se rappelait parfaitement la première fois qu'Eden avait débarqué dans un bar où il était négligemment entrain de boire un gin pas assez tonic à son gout. Les deux hommes avaient pour ainsi dire "sympathiser", si ce mot pouvait s'appliquer à eux bien sur ...

Après s'être promis de se revoir, Caïn s'était renseigner sur le fameux Eden Wallker. C'était un jeune PDG envié et envieux qui avait beaucoup d'argent et un gout certain pour la chair fraiche sous toutes ses formes.

Ils s'étaient fréquenté quelques temps, jusqu'à ce que Caïn se laisse entrainer dans une maison close qu'il ne connaissait pas et qu'il avait rarement revisité depuis (beaucoup trop extrême à son gout). A partir de ce moment, Eden était devenu la cible du blond, sa proie. Il lui fallait cet homme riche et bourré de vices à la Corp !

Ce soir là, il l'avait attendu au bar pendant qu'il se tapait un prostitué dans une chambre douillette et confortable si elle avait été décoré dans le même style Glam que la salle dans laquelle il savourait son gin, verres après verres.

Après un moment interminable, Caïn avait vu revenir Eden avec le même sourire béa que celui qu'il arborait plus tôt, lorsqu'ils s'étaient croisés dans la ruelle. Et ce même soir, il l'avait vu avaler deux comprimés à la provenance douteuse.

Dès lors, Caïn lui avait donné le droit de l'appeler par son véritable prénom et lui offrait d'investir dans la Corp. Bizarrement, au fil du temps, on peut dire qu'Eden l'avait quelque peu apprivoiser. Et à présent, même s'il n'aimait pas ça du tout, Caïn éprouvait pour lui une sorte d'affection mitigé entre la pitié et la tendresse.

En se rendant compte qu'il s'était perdu dans ses pensées, Caïn se reconcentra sur Eden qui lui demandait à son tour ce qu'il faisait là, éludant par la même sa propre question. Qu'importe, ça faisait un moment que le blond se doutait qu'Eden avait déniché une nouvelle maison de plaisir ...

"Je n'ai rien à t'offrir tu le sais bien ... Moi, j'avais une lettre à poster, mais peut importe. Tu vas faire quoi maintenant, hun ?"

Cain plongea ses pupilles de chat dans les yeux embrumés d'Eden, essayant sans trop en faire néanmoins, de lui dire qu'il savait combien il allait mal à cet instant précis ... Et que malgré tout, il compatissait ...

Eden se mit à rire, mais un rire qui n’avait rien à voir avec ceux qui l’avaient secoué auparavant, celui-ci était dénué de joie, éraillé et froid comme la glace.

« Et il n’y a pas de boite aux lettres dans ton quartier ? Il faut que tu viennes trainer ici ? Pourquoi ? »

En parlant il se grattait nerveusement le poignet, regardant autour de lui, légèrement affolé. Il ferma les yeux, tentant de reprendre le contrôle de sa respiration qui avait commencé à s’emballer, signe d’un début de crise d’angoisse. Il leva un regard désespéré vers l’homme en face de lui.

« Caïn…Caïn je suis mal là… »

Oh bien sûr une partie de lui savait qu’il n’avait absolument pas besoin de le dire, cela se voyait très bien. Il sentait son sang bouillonner dans ses veines, ses mains trembler, son corps irradier de chaleur et les quelques fines gouttes de sueurs qui glissait le long de sa gorge, se mêlant au sang qui coulait encore de la légère plaie au-dessus de sa pomme d’Adam. Il leva difficilement une de ses mains vers son col dans le but d’en déboutonner le haut, il était bien entendu tenté de se déshabiller entièrement mais une part de raison restait tout de même en lui. Heureusement d’ailleurs.

Il se mit à respirer de plus en plus vite, se sentant comme pris dans un étau qui se resserrait de plus en plus vite et de plus en plus violemment, il avait l’impression que son crâne était au bord de l’explosion. Mais il au fond de lui il savait qu’il devait relativiser, que s’il arrivait à chasser l’angoisse de son corps il parviendrait à chasser la crise. Naturellement c’était bien plus facile à dire qu’à faire car lorsque l’on sent que l’on ne peut quasiment plus respirer on a de fortes tendances à paniquer plus qu’à éviter de le faire…

Il avait déjà fait plusieurs crises de ce genre, pas forcément après s’être drogué, du moins il n’en avait pas l’impression. Mais la plupart du temps il était seul pour les combattre et revenir peu à peu à la réalité. Aussi était-il content que pour une fois quelqu’un soit avec lui. Même si c’était Caïn, au fond, Eden était persuadé qu’il n’était pas si glacé, il éprouvait forcement des sentiments. Et même si ce n’était pas le cas et qu’il ne se contentait que de le regarder ce battre contre lui-même, au moins il avait quelque chose à regarder autre qu’un élément du décor, une présence forte à ses coté c’est tout ce dont Eden avait besoin pour le moment.

Eden semblait paniquer soudainement. Sa voix était éraillée et même s'il rigolait encore, cela sonnait différemment. Beaucoup trop pour que ce soit parfaitement physiologique. Les sens de Caïn s'éveillaient, méfiant. Il était très attentif à l'état physique des personnes qui l'entouraient, une vieille habitude.

« Et il n’y a pas de boite aux lettres dans ton quartier ? Il faut que tu viennes trainer ici ? Pourquoi ? »

Il se montrait très sec et froid. C'était assez anormal pour lui. Même s'il avait des sauts d'humeurs, Eden n'était pas quelqu'un de foncièrement agressif. Il prenait ce ton pour se protéger souvent. C'était une sorte de carapace couverte de piques tranchant comme des rasoirs qu'il se créait pour empêcher les autres de l'atteindre.

Distraitement, les yeux injectés de sang perdu dans le vide, il se grattait frénétiquement le poignet, tirant sur sa manche à mesure que sa peau rougissait. Il y avait de la détresse dans son regard, comme un appel au secours muet assez criant.

« Caïn…Caïn je suis mal là… »

Le blond le voyait suffoquer. Eden devenait subitement très pâle puis ses joues rougirent fortement alors qu'il essayait de défaire un bouton de son manteau. Sa respiration était haletante et son souffle erratique.

Caïn trouvait tant de détresse et de douleur dans les prunelles tremblantes d'Eden qu'il ne put retenir la phrase qui lui échappa avec beaucoup trop de spontanéité pour que ce ne soit pas réellement sincère.

"Eden, tu veux venir chez moi ? Ce n'est pas loin et ma moto est garée au coin de la rue ..."

Sa voix était douce, rassurante, enrobante même. Un frisson parcourut son échine pendant le silence qui suivit sa proposition. Etrangement, il avait une sorte d'appréhensiion en attendant la réponse du brun. Comme si ce qu'il allait dire serait déterminant pour sa vie. C'était une sensation plutôt inhabituelle pour Caïn qui ne se souciait que rarement d'autrui ...

Il l’avait entendu, cette douce voix…Il n’avait pas exactement perçu ce que Caïn disait mais il avait reconnu le timbre de sa voix, et son intonation lui avait fait beaucoup de bien, tant qu’il ne saurait le dire. Il leva lentement les yeux vers lui.

« Que…Quoi… ? »

Murmura-t-il dans un souffle. Il sentit progressivement ses poumons se débloquer, rien que le fait d’interagir avec Caïn lui avait fait beaucoup de bien. Il aspira une grande bouffée d’air et se redressa lentement. Il baissa les yeux et observa ses genoux qui tremblaient tant qu’on pouvait se demander comment pouvaient-ils soutenir le poids d’Eden.

« Excuses moi…J’en ai trop besoin… »

À ces mots il s’approcha lentement de Caïn et se laissa tomber dans ses bras. A cet instant il se fichait bien de la conséquence que cet acte pouvait avoir, il n’avait cure de la réaction que ce dernier aurait, il voulait juste un soutient, il n’allait pas tenir le choc sinon. La douce chaleur de Mister C. faisait énormément de bien à Eden qui avait lentement fermé les yeux.

Il se sentait happé dans un monde plein de couleurs vives qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire ne lui fit absolument pas mal aux yeux. Il s’y sentait bien, il y était calme, paisible, simplement heureux, difficile de croire qu’il avait si mal quelques minutes auparavant. Il se sentait flotter dans l’air, ou peut-être dans l’eau il n’en avait pas exactement la certitude. Libre. C’est la seule chose dont il était sûr, il était libre de ses gestes, libéré de la douleur, libéré du manque, même ses pulsions ne l’avait pas suivi dans ce monde idyllique.

C’est ainsi qu’Eden avait perdu connaissance dans les bras de Caïn, son corps reposant contre le sien, le visage paisible d’un enfant endormi. Il s'était enfin éloigné de tout ce qui rendait ce monde si désastreux une manière de se déconnecter en quelques sortes...